A l’occasion de la 40ème commémoration du décès de Mohamed Hassan Ouazzani (1910 – 1978) qui coïncide avec la journée internationale de la Démocratie, le Centre Mohamed Hassan Ouazzani a organisé le 19 septembre 2019 une journée d’étude sous le thème « MOHAMED HASSAN OUAZZANI: Genèse et actualité de sa pensée ».
« Tout peuple qui s’endort en liberté se réveillera en servitude… La liberté meurt si elle n’agit point ; elle vit dès qu’elle agit. » [1]
Liberté de pensée, liberté d’expression, liberté d’action : telles pourraient être résumées les revendications primordiales de Mohamed Hassan Ouazzani. Le grand patriote marocain était-il d’abord un penseur ou un homme d’action ? Chez lui, la pensée provoquait-elle l’action ou est-ce l’action et les circonstances qui l’entouraient qui ont nourri sa pensée ?
Au cours de cette journée d’études, les intervenants sont invités à renouveler et à enrichir nos connaissances sur la pensée de Mohamed Hassan Ouazzani. On va s’interroger sur les sources qui ont nourri ses réflexions tout au long d’une vie entièrement dévouée à la libération de son pays de l’occupation étrangère et des injustices qui l’ont accompagnées ; parallèlement, il s’est engagé sans relâche à libérer le peuple marocain des conditions féodales qui opprimaient les populations et les individus, les empêchant d’accéder aux bienfaits des progrès scientifiques, culturels et sociaux accomplis depuis le 19e siècle.
Mohamed Hassan Ouazzani, a été informé dès le début de ses études, au milieu des années 1920, des grands courants d’idées qui ont marqué la société contemporaine : le socialisme, le communisme, le républicanisme libéral et radical, les fascismes et les mouvements réactionnaires, sans oublier le kémalisme et surtout les promoteurs de la Renaissance arabe Nahda ; quelle synthèse personnelle en a-t-il élaborée ? Quelles sont les « idées du temps » qu’il a intégrées dans ses réflexions et qui ont inspiré son action très tôt engagée dans le combat de libération des peuples aux côtés d’autres patriotes de plusieurs pays concernés ?
Dans quelle mesure les expériences des premières années de son combat et les obstacles rencontrés ont infléchi ses interprétations et ses propositions d’un « renouveau » de la société marocaine ? Les années d’exil intérieur entre 1937 et 1946 l’ont-elles conduit à formuler des objectifs nouveaux en adéquation avec la transformation du monde après le deuxième conflit mondial ? N’a-t-il pas été un des premiers à prendre en compte dans son combat l’avènement des nouvelles valeurs universelles incarnées par l’Organisation des Nations unies, notamment quand celle-ci proclame en 1945 « notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites » ? [2]
Les écrits et les déclarations de Mohamed Hassan Ouazzani nous fournissent des sources importantes sur les orientations de sa pensée, les finalités de son « combat par la plume » en vue de doter son pays d’une « démocratie authentique » en phase avec les nouvelles valeurs universelles.
Limitons-nous ici à reproduire un extrait de sa Déclaration à la suite du retour fin 1956 de son exil de 5 ans et demi dans divers pays étrangers ; il résume bien son « projet de société » pour un Maroc nouveau :
« « Il y a près de 30 ans que notre principal souci a été la libération du Maroc et la défense de son unité territoriale. On peut dire qu’en partie, ce but a été atteint ; il reste cependant à parfaire notre indépendance et à compléter notre unité. Parallèlement à cette lutte pour la libération, le PDI [3] a toujours préconisé de donner au peuple marocain une éducation démocratique pour qu’à la libération du pays, le peuple soit à même de gérer efficacement ses affaires locales et nationales.
« Mon premier souci, maintenant, est de me consacrer à l’instauration rapide d’un régime de monarchie constitutionnelle, Sa Majesté le Roi étant par ailleurs favorable à cette forme de gouvernement.
« Il faut aussi que je reprenne contact avec les masses marocaines et avec les militants de mon parti. Mon rôle sera de veiller à l’éducation de ces masses pour les prévenir contre les appétits de ceux qui veulent les exploiter. Notre mission première est de révéler au citoyen marocain sa personnalité et de le libérer de ses complexes.
« Il faut donc aller vers le peuple pour comprendre ses aspirations et détecter ses maux afin de leur trouver les remèdes appropriés.
« A présent, ce sont des problèmes économiques et sociaux qui sont les plus urgents auxquels il faut trouver des solutions. Le Maroc doit mobiliser ses richesses et ses énergies humaines pour créer une prospérité économique qui doit profiter à tous les habitants du Maroc. » [4]
Les débats autour de la pensée de Mohamed Hassan Ouazzani contribueront sans doute à saisir l’actualité de plusieurs de ses propositions toutes centrées sur la priorité qu’il accordait à l’éducation, condition indispensable à la liberté de pensée et d’agir, de créer et d’innover sans cesse afin que son pays, le Maroc, puisse s’inventer une « démocratie authentique » ; seule cette dernière pourra mobiliser toutes les ressources humaines et matérielles qui permettront au Maroc d’assumer une place honorable dans un monde en pleine transformation et de plus en plus globalisé.
[1] Citation du philosophe français ALAIN, reproduite dans Démocratie , Journal du PDI, No 1, 7 janvier 1957, p. 5.
[2] Extrait du Préambule de la Charte des Nations Unies.
[3] PDI ou Parti démocrate de l’Indépendance, créé par Mohamed Hassan Ouazzani en juillet 1946.
[4] Extrait de l’interview de Mohamed Hassan Ouazzani, secrétaire général du PDI, reproduite sous le titre « 30 ans de lutte pour l’Indépendance et la Démocratie », Journal Démocratie, No 1, 7 janvier 1957, p. 4. L’intégralité du journal Démocratie est accessible en ligne sur le site www.mohamedhassanouazzani.org de même que tous ses écrits.