COVID-19: Relation entre les Humains et la Nature

COVID-19: Relation entre les Humains et la Nature

Mesdames, Messieurs

Pour son premier Webinaire et à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement, le Centre Mohamed Hassan Ouazzani pour la Démocratie et le Développement Humain a eu le plaisir d’accueillir

Monsieur Mahjoub El Haiba, Professeur de l’enseignement supérieur, Consultant en droits de l’Homme, Justice transitionnelle et droit de l’environnement, Ancien expert du comité des Droits de l’Homme de l’ONU.

le Lundi 08 Juin 2020 à 16 h pour une visioconférence intitulée :

Covid-19: Relation entre les Humains et la Nature

La séance a été modérée par Monsieur Hassan Ouazzani Chahdi, Professeur Honoraire des Universités à l’UH2C et Membre Expert de la Commission du Droit International des Nations Unies.

Nous vous remercions d’avoir suivi ladite visioconférence qui a été diffusée en direct sur notre chaîne YouTube et d’avoir participé au débat.

Avec nos meilleures salutations.

Mahjoub El Haiba

محجوب الهيبة

Professeur de l’Enseignement Supérieur à la Faculté de Droit de l’Université Hassan II, Aïn Chock, de Casablanca. Consultant dans les domaines  des droits de l’Homme, des droits de l’environnement et de la justice transitionnelle. Membre du Conseil national des droits de l’Homme (catégories des experts). Ex-délégué interministériel aux droits de l’Homme.  Ex-membre ès-qualité du Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique. Membre fondateur de l’Organisation Marocaine des Droits de l’Homme. Fondateur et membre du Réseau Arabe de l’Environnement et du Développement (RAED), Caire.

Ex membre et Président du jury du Prix Arabe de l’Environnement. Ex membre et Président du jury du Prix Hassan II de l’Environnement. Ex Vice Doyen de la Faculté de Droit de Casablanca. Ex membre du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (décembre 2002- juillet 2005) Ex Secrétaire Général du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (juillet 2005- mars 2011). Ex membre de l’Instance Équité et Réconciliation (IER).

Hassan Ouazzani Chahdi

حسن الوزاني الشاهدي

Vice-Président du CMHO.

Il est actuellement professeur honoraire de Droit Public à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales-Université Hassan II Aïn Chok de Casablanca…Lire la suite

COVID  19  ET  NATURE

Mme GUENNOUNI Naima

Professeure de l’enseignement supérieur

Faculté des sciences juridiques Economiques et sociales

Casablanca

La pandémie de COVID19 est un rappel brutal de notre relation dysfonctionnelle avec la nature; celle –ci a repris ses droits dès que l’Homme –principal prédateur– a été contraint de se confiner pour se protéger.

La prise de conscience des conséquences des atteintes portées à la nature ont toujours été liées à des catastrophes : les marées noires,les smogs, Tchernobyl, catastrophes liées aux déchets dangereux…

Cette nouvelle pandémie qui ne sera certainement pas la dernière si l’homme ne change pas son comportement va-t-elle apporter des modifications profondes aussi bien dans les politiques des différents pays que des Hommes en tant que consommateurs ?

Il est encore tôt pour répondre, mais certaines décisions sont en train d’être prises pour le futur :

La transition énergétique :

Cette transition déjà en marche est accélérée  par la relance post COVID par les gouvernements et par le secteur privé.

En France, Bruno Lemaire, ministre de l’économie, déclarait le 17 avril 2020 : « Nous allons apporter des milliards d’euros de soutien aux entreprises à condition qu’elles s’engagent pour une économie décarbonée surtout pour les transports essentiellement aériens. »

90dirigeants de groupes dont Airbus, KLM, Air France ont signé une tribune pour un soutien renforcé aux secteurs qui contribuent à la préservation de l’environnement : rendre les outils industriels plus résilients, les décarboner et réduire l’empreinte carbone;

-Multiplier les efforts pour chercher des solutions (arriver à une neutralité carbone)

La présidente de la commission européenne déclarait le 23avril dernier : « Le green deal est la bonne réponse à la crise, investir dans la résilience de l’Union Européenne. »

Une tribune a également été signée par 17 ministres européens de l’écologie le 9 avril 2020 : « nous devons tenir nos ambitions pour réduire les risques et les coûts de l’inaction dans les domaines de changement climatiques et de la perte de la biodiversité. »

Trois facteurs pour la transition énergétique post COVID 19 :

  • Meilleure appréciation des enjeux climatiques, plus grande appréciation de l’expertise scientifique ;

  • Nouveaux modes de production diminuant l’empreinte carbone; généralisation du télé travail et réduction des déplacements ;

  • Importance donnée au concept de résilience : prise en compte des risques sanitaires dans la valeur des biens, sources d’énergies alternatives.

Cette  pandémie était-elle prévisible ?

En 2016, le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement)avait signalé l’augmentation des épidémies : 75% des maladies infectieuses proviennent des animaux qui sont eux-mêmes victimes des perturbations de l’écosystème.La plupart des maladies pandémiques ont été transmises par les animaux : grippe aviaire,Ebola, maladie Zika, H1N1…

Le PNUE attire l’attention que ces pandémies vont se multiplier vu les perturbations de la nature, les changements climatiques…

Le rôle de la société civile :

Durant cette pandémie, la société civile a joué un rôle essentiel :

D’abord  pour la sensibilisation et la conscientisation des populations surtout les associations de quartiers (au Maroc particulièrement) ;

Ensuite pour réagir aux atteintes aux droits humains commises par des autorités publiques et en réaction à certaines mesures prises pour lutter contre la pandémie et qui sont non respectueuses des libertés publiques.

Au Maroc

Quelles leçons tirer de cette pandémie ?

-Opportunité pour construire un nouveau système social, renforcer la protection sociale : cette pandémie a dévoilé la fragilité du tissu social d’où la nécessité de prévoir une meilleure protection pour les couches les plus défavorisées et vulnérables ;

-Oeuvrer pour un Maroc durable : dans le domaine énergétique essayer d’assurer une autonomie en renforçant et en continuant les stratégies d’énergies renouvelables ;

Essayer de renforcer une certaine autonomie alimentaire, oeuvrer pour une politique basée sur les ressources nationales ;

Cette pandémie pose pour le Maroc -comme pour la plupart des pays- le problème de gestion des déchets issus des traitements de  cette maladie ; le Maroc qui a déjà beaucoup de difficultés à gérer ses déchets médicaux hospitaliers surtout les plus dangereux va être confronté à une augmentation du volume de cette catégorie dont le souhait serait qu’elle soit gérée par de bonnes méthodes (l’incinération par exemple), mais dont le Maroc n’a pas encore tous les moyens adéquats pour assurer ceci .

Les autorités marocaines devront veiller à mettre en application les lois déjà existantes aussi bien dans le domaine de gestion des déchets que celui de la pollution de l’air, également les lois relatives au littoral et celles sur la gestion des ressources hydriques.

En conclusion on se demande si la plupart des pays, une fois la pandémie passée, ne vont pas -en essayant de relancer leur économie- stimuler leur production ce qui conduirait à une augmentation de la pollution de l’air ?

Intervention de M. Mohamed Behnassi

Professeur d’Enseignement Supérieur
Expert en environnement, changement climatique et sécurité humaine

Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales d’Agadir
Directeur du Centre de Recherche en Environnement, Sécurité Humaine et Gouvernance (CERES)
GSM : (00212) 668-466447 | behnassi@gmail.com | m.behnassi@uiz.ac.ma

 

J’aimerais bien remercier mon Professeur El Haiba pour cette conférence excellente qui nous a bien sûr inspiré, et j’aimerais bien également le remercier de m’avoir placé sur cette voie parce que j’ai commencé à faire des recherches dans le domaine de l’environnement, changement climatique, et surtout la gouvernance de ces domaines depuis pratiquement l’année 1997. C’est un long processus, et je suis également très content de retrouver mon Professeur ces derniers temps pour réaliser des collaborations en la matière et sur des questions qui marquent une certaine rupture avec ce qui est conventionnel.

La conférence d’aujourd’hui est une occasion pour défricher en quelque sorte certains concepts et notions émergents en la matière. Je suis catégoriquement d’accord avec mon Professeur sur sa vision des choses et sur la façon avec la quelle ila approché la relation humains-nature dans ce contexte particulier, mais son approche reste pertinente pas uniquement pour le contexte actuel, mais aussi pour le post-Covid-19.

Alors, de ma part, je vais peut-être apporter quelques éléments de plus et un éclairage sur certains aspects qui relèvent de mes domaines d’intérêt scientifique, mais également en relation avec certains projets de collaboration avec Professeur El Haiba. Il y a pratiquement 5 ans, j’ai intégré un réseau européen qui travaille sur la coviabilité des systèmes socio-écologiques. On a travaillé sur ce paradigme de coviabilité dans le sens où on est parti d’un constat selon lequel une grande partie des concepts, des paradigmes et des cadres de référence qui ont été développés depuis Stockholm en 1972, en passant par Rio en 1992 jusqu’à maintenant, restent plus ou moins en décalage avec les pratiques dans le domaine de l’environnement. Un décalage qui montre pourquoi, malgré qu’on ait inventé le droit international de l’environnement avec ses concepts, ses dispositions et ses mécanismes d’application, dans les faits, les systèmes écologiques souffrent encore d’une vulnérabilité extrême, d’une incertitude et des formes de dégradation qui se développent de manière effrénée ; cela fragilise structurellement ces systèmes demanière grave,voire irréversible.

Par conséquent, ons’est demandé ensuite pourquoi avec la technologie, les dispositifs juridico-institutionnels, les systèmes degouvernance, les politiques existantes, l’impact sur les systèmes écologiques reste marginal, et dans la plupart du temps négatif. On témoigne bien sûr l’état actuel de l’environnementet de la planète. On a présupposé  que la relation entre les systèmes sociauxet les systèmes écologiques souffre d’un manque de viabilité, de cohérence et même de compatibilité. Donc, on a travaillé sur cette hypothèse comme quoi il faut tout revoir quand il s’agit de la relation entre les systèmes sociaux et les systèmes écologiques ; ce qui nous a amené à rejeter quelques concepts malgré qu’ils soient maintenant politiquement consacrés etthéoriquement défendus, comme par exemple celui de ‘développement durable’. Par la suite, on aessayé de remplacer ce dernier par le concept de coviabilité des systèmes socio-écologiques qui veut dire que la viabilité des systèmessociaux dépend de la viabilité des systèmes écologiques et vice-versa. Enfin de compte, ces deux systèmes doivent se développer avec une certaine cohérence et harmonie, et là on est entrain de parler de la coviabilité des systèmes socioécologiques. Cette coviabilité doit dans le futur conditionner la prise de décision, les cadres de référence, les politiques, les lois, etc. qui vont bien sûr gérer ces relations entre systèmes sociaux et systèmes écologiques.

C’est en quelque sorte une perspective de la relation homme-nature ; la seule différence c’est qu’ons’est placé sur une échelle plus grande ; on ne parle plus de l’humain de manière fragmentée en le considérant comme un électron libre, mais on parle des systèmes, pourquoi ? Supposons par exemple que dans une société donnée on a orienté le maximum des individus vers des comportements écologiquement responsables, mais supposons qu’en même temps il ya de grandes sociétés, de grands producteurs ou des secteurs entiers qui sont écologiquement irresponsables ; l’impact ne sera pas, bien sûr, à la mesure de ce qui est attendu ; donc il vaut mieux de déplacer le débat vers les systèmes, parce que c’est là où le sérieux peut se réaliser ; une fois que les processus décisionnels sont orientés dans ce sens, on peut s’attendre à des changements structurels. Si ce genre de changements dans la relation entre les systèmes sociaux et les systèmes écologiques doit s’effectuer, il faudra chercher dans le futur, si on aspire à inverser les tendances actuelles. A défaut, il faut s’attendre au pire et la théorie d’apocalypse peut se réaliser dans les décennies à venir.

Les humains et leur environnement, à la lumière de la période Covid-19

M. Brahim Zyani

Enseignant permanent à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Administration (ENSA), ancien directeur de la réglementation et du contrôle (DRC), au département de l’environnement (2001-2013).

 

Je tiens tout d’abord à remercier le Centre Mohamed Hassan Ouazzani pour la Démocratie et le Développement Humain de son aimable invitation et féliciter doublement l’équipe de gouvernance du Centre : pour le choix du thème et pour le choix du conférencier, mon confrère Mahjoub El Haiba, pour l’aborder.

En effet, nous venons d’entendre, aussi bien de Mahjoub El Haiba, que des collègues qui m’ont précédé, des analyses pertinentes, des propos clairvoyants et profondément justes sur la question des rapports entre les humains, l’environnement et la nature en général .

Pour ce qui me concerne, je constate, durant cette période de confinement plus ou moins généralisé, que l’état de la nature et de notre environnement de proximité s’est largement amélioré. Le Covid-19, dit-on, en ralentissant les activités humaines, a produit un effet positif sur les milieux de vie des hommes, notamment dans les grandes agglomérations urbaines. A quelque chose malheur est bon, de ce point de vue donc, on peut voir dans Covid-19  un « allié » de l’environnement et de la nature.

Mais, à bien y regarder, il s’agit en fait d’un faux allié, ou, du moins, d’un allié provisoire, non durable. Car, d’une part, il faut s’attendre à une reprise fulgurante des activités économiques et sociales, et donc à des pressions beaucoup plus fortes encore sur les milieux naturels. D’autre part, il est fort possible que les gouvernements profiteront de l’aubaine de l’après Covid-19 pour accélérer les mesures et les politiques  d’affranchissement à l’égard des normes juridiques nationales et des engagements internationaux pris dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques. Autrement dit, après le Covid-19, les ministères de l’environnement auront encore plus de difficultés à se faire entendre, car tout sera fait pour rattraper les temps de production et de consommation perdus durant les périodes de confinement.

Néanmoins, il faut tout de même reconnaître que le Covid-19 partage avec les politique de préservation de l’environnement et de protection de la nature quelques caractéristiques communes : il a accéléré la tendance planétaire des problèmes humains, il a révélé la centralité de l’humain, en tant qu’individu et collectivité, dans le combat engagé contre la pandémie, enfin il a renforcé le sentiment de responsabilité chez les êtres humains au sujet de leurs comportements à l’égard des milieux dans lesquels ils vivent.

D’où l’importance pour les politiques publiques en faveur de l’environnement, aussi bien nationales que planétaires, de puiser dans les aspects positifs révélés par le Covid-19, aussi limités soient-ils, pour aller de l’avant et rattraper, elles-aussi, les temps perdus.