A l’école du nationalisme
Publié le 5/12/2012 par la Revue Zamane
A l’école du nationalisme
Par Mohammed Bekraoui*
Les jeunes Marocains partis étudier en France dans les années 1930 ont joué un rôle essentiel dans la lutte pour la libération du pays. Les mouvements qu’ils ont créés ont fait émerger les futures grandes figures politiques du Maroc indépendant.
Mohamed Hassan Ouazzani, Ahmed Balafrej, Mohamed El Fassi… la plupart des hérauts de la lutte pour l’indépendance ont affûté leur engagement durant leurs années d’études en France. Pourtant, aucune recherche universitaire n’a jamais été consacrée aux mouvements d’étudiants marocains, encore moins à la manière dont ils ont contribué à la libération du pays. Il faut dire que pendant l’entre-deux-guerres, il y avait peu d’associations d’élèves et d’étudiants, bien qu’elles aient été assez actives. Les quelques organisations autorisées par les autorités protectrices le furent pour être mieux contrôlées, telles que les amicales d’anciens élèves des collèges Moulay Idriss de Fès et Moulay Youssef de Rabat, par exemple.
Passe ton bac d’abord
Jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, le Maroc ne compte aucun établissement d’enseignement secondaire à part ces deux seuls collèges et, pour ainsi dire, aucune université moderne, ni aucun établissement d’enseignement supérieur, à l’exception de la Qaraouiyine. Par ailleurs, la politique du protectorat en matière d’éducation, élitiste et discriminatoire à l’égard des « indigènes », aggrave la discrimination entre enseignement officiel et celui de la Qaraouiyine. Le nombre d’étudiants marocains reste donc faible. À ces difficultés, s’ajoutent les restrictions et limitations apportées par les autorités protectrices aux libertés publiques, d’association notamment.
Rien d’étonnant, donc, à ce que les élèves et étudiants marocains partent s’instruire à l’étranger, en métropole surtout, où ils vont contribuer à la création d’associations d’étudiants, notamment l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA).
Les premiers jeunes Marocains venus achever leurs études en France sont d’anciens élèves des « écoles de fils de notables », comme on les appelle alors officiellement, auxquels Lyautey accorde toute son attention, car il veut en faire « une élite apte à s’associer à nous et à former la substance vivante du personnel du protectorat », témoigne son neveu Pierre Lyautey dans Lyautey l’Africain. Les meilleurs éléments sont dirigés, à partir de 1914, vers les collèges Moulay Idriss de Fès et Moulay Youssef de Rabat, où l’enseignement dispense une double culture. Ces deux établissements fournissent la majorité des premiers élèves arrivés en métropole. Créés par Lyautey pour dispenser un enseignement moderne aux fils de familles bourgeoises, ces collèges ne préparent cependant pas au baccalauréat et n’offrent, par conséquent, aucun débouché. Ce qui n’est pas le cas des lycées français, vers lesquels les convoitises vont se tourner. En effet, après l’échec du mouvement rifain, les réticences des Marocains vis-à-vis de l’enseignement français s’atténuent peu à peu, surtout dans les grandes villes. Les jeunes élèves commencent alors à affluer vers les écoles, collèges et lycées français, qui dispensent un enseignement de meilleure qualité et préparent surtout au baccalauréat, qui ouvre la porte des universités et des grandes écoles de la métropole. Mais ces établissements ne sont pas ouverts à tous les Marocains. On permet, toutefois, à quelques fils de notables de s’inscrire au lycée Gouraud de Rabat.
Point trop n’en faut
En 1927-28, se produit donc une véritable « course au lycée », bien que l’admission soit soumise à une autorisation politique spéciale très sévère. Dans une lettre au proviseur du lycée français de Fès (Moulay Slimane), relative à l’admission des élèves autochtones, le directeur général de l’Instruction publique lui rappelle que « compte tenu de la situation particulière de la ville de Fès, j’ai décidé que chaque demande d’admission d’un élève indigène musulman devrait faire l’objet d’une étude et d’une enquête particulières. L’admission ne pourra être prononcée que sur ma propre décision… ». Un véritable blocus culturel est ainsi imposé à la ville de Fès. En juin 1929, le nombre total des jeunes élèves fréquentant les lycées français du pays est estimé à 86 seulement. En 1936, ce nombre croît légèrement et atteint 273, mais reste dérisoire comparé aux 7778 élèves européens. C’est pourquoi les familles aisées préfèrent envoyer leurs enfants s’instruire à l’étranger.
Il faut rappeler qu’à cette époque, au Maroc, il n’existe aucun enseignement supérieur moderne digne de ce nom. On a créé, il est vrai, un Institut des hautes études marocaines à Rabat, mais il ne dispense pas un enseignement supérieur véritable et vise surtout à éviter aux Marocains de se rendre à l’étranger et d’y acquérir des idées « subversives ». L’administration use, en effet, de tous les moyens pour empêcher élèves et étudiants de partir étudier à l’étranger. Mohamed Hassan Ouazzani rapporte que Brunot, directeur de l’Instruction publique, exerce toutes sortes de pressions sur les parents, accusant les étudiants de renier leur région, leurs coutumes. De plus, les jeunes étudiants « se voyaient toujours refuser leur passeport », affirme Ouazzani (in Moudakkirat hayat Wa Jihad, 1982). A ces obstacles, s’ajoute le coût très élevé des études en France, surtout que très peu de bourses sont accordées. En 1937, Le Bulletin économique du Maroc indique que « depuis dix ans, 8 étudiants marocains ont bénéficié de bourses dans les établissements d’enseignement supérieur métropolitain ».
Par conséquent, seules certaines familles aisées parviennent à envoyer leurs fils poursuivre leurs études dans les universités françaises et arabes du Proche-Orient : Le Caire, Damas, Beyrouth… La plupart des étudiants sont en effet issus de familles riches et citadines, originaires exclusivement des villes traditionnelles : Rabat-Salé, Fès, Meknès, Marrakech. Ils sont généralement fils de négociants, de hauts fonctionnaires du Makhzen, ou encore de caïds, de grands propriétaires, de fonctionnaires, etc. Les filières choisies sont principalement celles qui permettent l’accès à des fonctions libérales telles que médecin, avocat, ingénieur, professeur. Parmi ces étudiants, citons Omar Ben Abdeljalil, qui entre à l’Ecole nationale d’agriculture de Montpellier où il passera deux ans. En 1925, il est rejoint en France par son frère, qui s’inscrit à la Sorbonne. Il s’agit de Mohammed Ben Abdeljalil, qui avait fait partie du premier voyage en France d’étudiants marocains organisé par Lyautey, en 1922, et qui se convertira au catholicisme en 1928. Quant à Thami Al Moqri, il poursuit des études agricoles en Suisse et Jebli Idouni est le premier médecin marocain diplômé de Paris. Nous ne disposons pas de renseignements, ni de chiffres sur les autres étudiants qui ont poursuivi des études en métropole, ainsi que dans les autres pays européens. Nous savons, par exemple, que des fils de parents protégés ont fait des études en Angleterre, en Suisse, en Belgique, mais il est très difficile de connaître leur nombre et la nature de leurs études.
En route pour la France
À partir de 1927, l’émigration estudiantine marocaine vers la métropole s’accélère. Mais la conversion au catholicisme de Mohamed Ben Abdeljalil et l’agitation provoquée par la promulgation du dahir sur la justice en pays berbère, en 1930, va ralentir le mouvement des départs vers la métropole, qui ne reprendra qu’à partir de 1931. D’après les archives du Quai d’Orsay et selon le témoignage de Mohamed Hassan Ouazzani, on sait qu’en 1933 une quarantaine d’étudiants et de lycéens poursuivent leurs études à Paris, sans compter ceux qui étudient en province. Cependant, ce nombre reste faible comparé à celui des autres étudiants maghrébins et arabes.
En arrivant à Paris, les étudiants marocains découvrent un univers intellectuel et artistique entièrement nouveau pour eux. Les courants de pensée moderniste qui agitent le monde au lendemain du premier conflit mondial, les principes de la démocratie universelle et libérale, les principes d’autodétermination développent chez eux des sentiments anti-coloniaux et un esprit critique. Ces idées nouvelles ont une grande influence sur leur sentiment de dignité et de liberté. Il y a aussi les contacts fréquents avec les autres étudiants, aussi bien métropolitains qu’étrangers venus des quatre coins de l’empire colonial français, notamment les Tunisiens, les Egyptiens, les Syriens, etc., dont certains joueront un rôle important dans les mouvements nationaux de leur pays, comme par exemple Habib Bourguiba, Mongi Slim, Hédi Nouira. Les étudiants marocains nouent de solides amitiés avec les hommes politiques français de gauche et les militants syndicalistes, participent à leur débats anti-coloniaux, aux meetings, collaborent à des journaux et des revues, tels que Maghreb. « Le quartier Latin contribua à la culture politique des Maghrébins dans une proportion considérable négligée par les historiens », souligne l’historien Charles-André Julien (in Le Maroc face aux impérialismes, 1978). L’impact de la culture et de l’école françaises, que tous ces étudiants ont subi, a fait naître en eux un « égalitarisme libertaire et laïcisant », mais n’a pas effacé totalement l’héritage culturel religieux islamique commun.
Le 27 décembre 1927, l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA) est créée à l’initiative de deux étudiants tunisiens, Chadly Khairallah et Ahmed Ben Milad, et des Marocains Mohamed Hassan Ouazzani, Ahmed Balafrej et Mohamed El Fassi. Elle regroupe une centaine de membres dans la région parisienne et environ 200 dans les trois pays maghrébins. Son siège, d’abord installé dans un café situé sur le boulevard Saint-Germain, sera transféré rue Rollin, dans le quartier Latin.
Etudiants du Maghreb, unissez-vous !
L’association compte une section tunisienne, marocaine et algérienne, mais la majorité de ses membres sont d’origine tunisienne. Sa création coïncide avec le passage d’une forme armée, tribale et locale de l’action nationale à une lutte politique active à l’intérieur des pays maghrébins. Néanmoins, dans un premier temps, les objectifs de l’association sont plus d’ordre culturel et social que politiques. L’AEMNA se propose de « resserrer les liens d’amitié et de solidarité entre ses membres », d’« encourager leurs compatriotes à venir poursuivre leurs études en France » et de « faciliter leur séjour en France par la création de bourses et de prêts d’honneur et la fondation d’une maison de l’étudiant », ainsi que le précisent ses statuts.
Les premières revendications de l’association portent surtout sur la modernisation du système éducatif et des programmes d’études, le statut de l’arabe dans l’enseignement, la réforme de l’enseignement religieux, notamment de la Qaraouiyine et de la Zitouna (Tunis), et sur l’éducation de la femme musulmane. Ce n’est que par la suite, après 1930, qu’apparaîtra l’aspiration à l’indépendance et à l’unité maghrébine. Pour atteindre leurs objectifs, les étudiants publient livres et périodiques et organisent divers colloques, débats, séminaires, causeries ou réunions. Parmi les activités culturelles, les conférences tiennent une place de choix. En principe hebdomadaires, elles sont destinées à faire mieux connaître aux étudiants les « grands faits de la civilisation arabo-islamique » et à leur donner l’occasion de se rencontrer et d’échanger des idées.
La vie associative amène cependant bien vite les étudiants à l’engagement politique. Lors de sa constitution, l’AEMNA avait manifesté son intention de s’abstenir de toute activité politique. Mais certains étudiants, dont Chadly Khaïrallah, président du premier bureau de l’association, Ahmad Ben Milad, secrétaire général, Mohamed Hassan Ouazzani ou encore Ahmed Balafrej, ainsi que des étudiants algériens, se sont affiliés à l’Étoile nord-africaine (ENA), une organisation algérienne soutenue par le Parti communiste français (PCF). L’ENA organise une série de meetings, de manifestations et de réunions publiques au cours desquelles les orateurs ne tardent pas à demander la suppression du Code de l’indigénat en Algérie et l’indépendance des trois pays maghrébins. Selon l’historien Omar Carlier, l’ENA « est la première organisation politique algérienne à revendiquer ouvertement l’indépendance de l’Algérie et de tous les pays du Maghreb ».
Les étudiants en profitent pour intensifier leur propagande politique : réunions, tracts et articles de presse, qui visent surtout à toucher la main-d’œuvre nord-africaine employée dans la région parisienne. En 1928, les activités de l’AEMNA demeurent discrètes. L’année suivante, l’ENA est dissoute, en même temps qu’une mesure d’expulsion est prise contre Chadly, qui doit regagner la Tunisie. Début 1930, l’association manifeste ouvertement ses tendances politiques en décidant d’exclure les membres naturalisés français. La section algérienne de l’AEMNA, ayant en effet réclamé la qualité de citoyen français pour les Algériens à l’occasion du centenaire de l’Algérie, les sections marocaine et tunisienne se sont désolidarisées d’elle. Cette mesure provoque le départ de la plupart des étudiants algériens qui fondent leur propre organisation. Seuls quelques étudiants constantinois continuent à faire partie de l’AEMNA. Dès lors, « l’Association prit dans le vocabulaire du quartier Latin, le nom d’association nationaliste », précise un rapport officiel de l’époque, conservé dans les archives du ministère des Affaires étrangères.
Des étudiants aux ouvriers
1930, c’est aussi le moment où quelques étudiants achèvent leurs études supérieures en France et rentrent au Maroc. Mais au lieu de mettre en confiance cette jeunesse instruite en lui confiant certains emplois, même subalternes, en l’orientant et en la conseillant, au contraire on la tient systématiquement à l’écart des affaires de son pays. On la marginalise, on la fait taire à tout prix. Profondément déçus, les jeunes diplômés attendent l’occasion d’exprimer ouvertement leur colère, leur indignation et leur frustration. Le gouvernement du protectorat ne va pas tarder à la leur fournir en publiant le fameux Dahir berbère, le 16 mai 1930, qui va cristalliser toutes les tendances nationalistes. En métropole, le mouvement étudiant se radicalise et entraîne un regain d’activités de l’AEMNA. Réunions publiques et meetings s’enchaînent. Un vaste mouvement de protestation est lancé contre le Dahir berbère. L’AEMNA effectue des démarches auprès d’un grand nombre de personnalités politiques de gauche afin d’agir sur l’opinion publique française et publie des articles dans Maghreb qui condamnent les abus des autorités protectrices. En outre, les relations des étudiants marocains avec Chakib Arsalane, l’émir druze panarabe, ayant toujours été très étroites, le Dahir berbère fournit l’occasion à ce grand leader d’intervenir dans les affaires marocaines à l’initiative de Ahmed Balafrej et Mohamed El Fassi.
C’est à ce moment aussi qu’éclatent de violentes manifestations de rues dans les principales villes marocaines, au cours desquelles de nombreux nationalistes sont arrêtés, dont Mohamed Hassan Ouazzani. Les étudiants comprennent, bien vite, tout l’intérêt qu’il y a à agir sur la masse des travailleurs émigrés à Paris et dans sa banlieue, et à essayer de les encadrer. Début mai 1935, l’Association de bienfaisance de l’ouvrier marocain est créée à Gennevilliers par quelques intellectuels marocains. Ses statuts ont été élaborés et discutés lors du passage de Mohamed Hassan Ouazzani à Paris, en septembre 1934. Son principal objectif consiste à « apporter son secours, dans les limites de ses possibilités, à tous les Marocains dont la situation sera jugée précaire », comme le précisent ses statuts. Cette association s’interdit, en principe, toute activité politique. Mais, juste après sa constitution, elle « lança une protestation au nom des travailleurs contre le Dahir berbère. Ce projet aurait été conçu par Mohamed Hassan Ouazzani lors de son passage à Paris », souligne un rapport de police. Le rôle des étudiants est donc fondamental dans l’éveil des esprits et de la conscience politique des travailleurs marocains émigrés. Et les activités politiques de l’AEMNA ne tardent pas à inquiéter vivement les autorités françaises, à tel point que le préfet de police propose au ministre de l’Intérieur de la dissoudre, si l’on en croit un rapport de police datant de 1935. De même, l’administration a interdit, en 1933 et 1936, deux des congrès que l’AEMNA avait pris l’habitude de tenir chaque année à partir de 1931 dans l’un des trois pays maghrébins.
Les intellectuels bourgeois marocains de formation française étaient peu nombreux : on peut estimer leur effectif à une centaine à la veille de la Seconde guerre mondiale. Le mouvement étudiant marocain n’en a pas moins été une composante fondamentale du mouvement de lutte pour la libération nationale. L’historien Roger Le Tourneau, observateur avisé et perspicace, témoin des premières manifestations nationalistes, observe : « Ce mouvement ne fut pas au départ une poussée populaire mais bien une réaction d’intellectuels, et presque toujours de jeunes intellectuels » (in Histoire du Maroc moderne, 1992). Parmi eux, trois ont joué un rôle déterminant dès les débuts du mouvement nationaliste : deux de Fès, Mohamed Hassan Ouazzani et Omar Ben Abdeljalil, et le troisième de Rabat, Ahmed Balafrej. En 1921, Georges Hardy, directeur de l’Instruction publique, prédisait dans une note sur « l’enseignement indigène » que c’est des rangs des enfants originaires des classes pauvres des villes, de la plèbe, « c’est d’eux, plus encore que des rangs de la bourgeoisie que sortiront les jeunes turbans hostiles à notre domination ». Les faits ont démontré le contraire.
Lyautey avait les étudiants à l’œil
Le premier séjour d’étudiants marocains en France remonte à la fin du XIXe siècle. Afin de hâter la formation de cadres marocains à certaines spécialités, le Makhzen a en effet envoyé un certain nombre de tolbas (étudiants) en stage dans différentes écoles et académies militaires européennes (France, Angleterre, Belgique…). La France reçoit ainsi, vers 1884, sous le règne de Moulay Hassan Ier, un groupe d’une vingtaine d’étudiants marocains pour effectuer un stage, notamment à l’École du génie de Montpellier. Plus tard, la même expérience est renouvelée par les autorités du protectorat, qui envoient en visite dans l’Hexagone, au cours de l’été 1921, un groupe d’élèves officiers de la première promotion sortie de l’École Dar El Beïda de Meknès. D’autres voyages de plusieurs semaines seront organisés par l’administration au profit d’élèves des écoles et collèges musulmans, soigneusement triés sur le volet. Ces voyages prennent « les proportions d’une sorte de pèlerinage aux sources intellectuelles et artistiques de la civilisation française et de parcours mondain destiné à introduire l’élite du Maroc de demain dans la haute société française », observe l’historien Daniel Rivet (dans Lyautey et l’institution du protectorat français au Maroc, 1988). Les programmes de ces visites, effectuées sous bonne garde, sont soigneusement étudiés, préparés et exécutés par le résident général, afin d’éviter tout dérapage. Dans une note, Lyautey recommande que les élèves « doivent rester groupés, loger ensemble dans les hôtels bien choisis, ne pas s’écarter des habitudes musulmanes. […] Avant tout ne pas prendre de tenue européenne, ni rien qui s’en approche, mais rester dans la tenue strictement marocaine ». Témoignage si éloquent du conservatisme socioculturel du résident général, qui veut éviter à tout prix que l’influence de la vie moderne occidentale et la culture française n’imprègne les esprits des jeunes Marocains. La volonté de Lyautey de maintenir cette jeunesse dans ses « séculaires habitudes », comme il dit, explique que ces expériences ne seront pas renouvelées.
*Mohammed Bekraoui , historien, spécialiste de l’histoire contemporaine du Maroc et des relations maroco-françaises. Il s’intéresse également à l’histoire militaire.
Source : Zamane